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NIS2 : comment préparer son entreprise et bâtir une véritable culture de résilience ?

Au Hub One Day, organisé le 14 octobre à la Maison de l’Environnement de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, la directive européenne NIS2 s’est imposée dans les débats comme un tournant majeur pour la cybersécurité en entreprise. Loin d’un simple texte réglementaire, elle redéfinit la façon de penser la gouvernance, la gestion du risque et la continuité d’activité. En intégrant tous les métiers (du juridique aux achats, de la DSI aux RH), NIS2 pousse les organisations à structurer leur résilience, à prouver leur vigilance et à ancrer durablement la sécurité dans la culture d’entreprise.

Par Vincent.Poulbere

NIS2 : comment préparer son entreprise et bâtir une véritable culture de résilience ?

Cybersécurité de la supply chain : renforcer ses contrats pour se protéger efficacement

Dans les écosystèmes numériques actuels, le risque se propage par la chaîne de valeur. Or, nombre de prestataires critiques (PME, ESN, éditeurs spécialisés) ne disposent ni d’une direction juridique, ni d’une assurance adaptée à l’ampleur des sanctions financières possibles. D’où la nécessité de réviser les contrats entre donneurs d’ordre et sous-traitants. Clauses de responsabilité, plafonds d’indemnisation, obligations d’assurance, droits d’audit ou conditions de réversibilité doivent être repensés à la lumière des nouveaux risques cyber. L’objectif n’est pas de transférer la charge sur le plus petit acteur, mais de rééquilibrer la relation contractuelle pour que chaque maillon assume une part de responsabilité proportionnée à son exposition.

Identifier les incidents et organiser une chaîne d’alerte efficace

Une gestion de crise efficace repose d’abord sur une grammaire contractuelle claire. Il faut définir ce qu’est un incident, préciser les seuils de gravité, et établir un délai de notification réaliste : le sous-traitant doit pouvoir alerter son client à temps pour que celui-ci respecte le délai légal de 24 heures. Ces éléments doivent être inscrits noir sur blanc dans le contrat, avec la chaîne d’alerte nominative : qui appeler, sur quel canal, à quelle heure, week-ends compris. Même les détails apparemment anodins (coordonnées à jour, ordre d’escalade, contenu minimal du premier rapport) deviennent cruciaux lorsque chaque minute compte. Sans ces garde-fous, une défaillance administrative peut transformer un incident technique en crise juridique

Documentation et conformité : transformer les obligations NIS2 en avantage stratégique

NIS2 s’inscrit dans une ère de compliance totale. Tout doit être écrit, versionné, testé, mis à jour. Outre la PSSI (Politique de sécurité du système d’information), le PRA (Plan de reprise d’activité) ou la politique d’habilitation, les entreprises doivent désormais formaliser des politiques dédiées : gestion des incidents, notification des violations, mots de passe, chiffrement, sauvegarde, classification de l’information. Cette documentation n’est pas qu’une formalité. Elle constitue une preuve de diligence face aux autorités, aux assureurs ou aux clients. Car, rappelons-le, la responsabilité pénale du dirigeant ne se délègue pas. En cas d’enquête ou de contentieux, un dossier documenté et à jour devient une arme de défense, autant qu’un gage de maturité et de confiance pour l’écosystème.

Maturité hétérogène en cybersécurité, où en sont les organisations ?

Le paysage de la cybersécurité française reste profondément inégal. Les grands groupes et les acteurs du secteur financier affichent une avance certaine, quand les entreprises industrielles ou de services accusent un net retard. Selon les experts, près de 70 % des sociétés industrielles ne disposent toujours pas d’un responsable dédié à la cybersécurité. Beaucoup ont déployé des outils de base, comme des pares-feux, des tests d’intrusion ou des solutions EDR, mais sans réelle organisation derrière. L’enjeu de NIS2 est justement de transformer ces pratiques techniques dispersées en une approche cohérente, fondée sur la gouvernance, la responsabilité et la mesure de la performance.

La supervision continue en cybersécurité, un défi encore sous-estimé

Peu d’entreprises sont capables de surveiller leur système d’information en continu. Les outils existent, mais ils ne sont pas toujours configurés, supervisés ou suivis la nuit et le week-end. Les plans de gestion de crise, quand ils existent, ne sont pas testés régulièrement. Pourtant, la directive impose désormais de pouvoir déclarer un incident en vingt-quatre heures, un délai impossible à tenir sans organisation solide. Cette exigence oblige les entreprises à repenser leur fonctionnement interne et à instaurer une véritable culture de la vigilance. La conformité devient alors un moyen d’apprendre à se coordonner et à réagir, bien plus qu’un simple exercice administratif.

PME et ETI face à NIS2 : entre contraintes et leviers d’action

Les petites et moyennes structures sont particulièrement concernées. Elles disposent rarement des ressources nécessaires pour financer un responsable sécurité senior ou un centre de supervision interne. La clé réside dans une approche progressive. Commencer par un audit de maturité permet de situer son niveau et de définir une feuille de route sur deux ou trois ans. Certaines fonctions peuvent être externalisées, d’autres gérées en interne, notamment la documentation et la gouvernance. La formation représente un levier essentiel et souvent finançable, permettant de créer des relais compétents en interne. Ce cheminement progressif, documenté et piloté, devient un gage de crédibilité face aux clients, aux partenaires et aux assureurs.

NIS2 : quelle feuille de route pour réussir sa mise en conformité ?

Toute démarche de conformité commence par un état des lieux honnête. Les entreprises doivent identifier leurs activités critiques, cartographier leurs dépendances et évaluer leurs faiblesses. Cet audit de maturité ne se limite pas à l’informatique, il englobe aussi les processus, les compétences et la gouvernance. Il permet de dégager les priorités immédiates, comme la sécurisation des sauvegardes, la mise en place d’une authentification renforcée ou la segmentation du réseau. Ce diagnostic sert aussi de base de dialogue avec la direction générale, les achats, les services juridiques et les assurances. La cybersécurité devient alors une question d’entreprise avant d’être un sujet technique.

Planifier et prioriser les actions pour progresser durablement

Une fois le diagnostic établi, l’entreprise doit construire une feuille de route claire et réaliste. L’idée n’est pas d’empiler les outils mais de définir des étapes cohérentes et hiérarchisées. Chaque action doit avoir un responsable, un objectif mesurable et un calendrier précis. Cette planification permet de piloter les efforts dans la durée et de démontrer la progression auprès des clients, des partenaires ou des autorités. Elle devient un véritable actif de preuve, capable de montrer que l’entreprise s’engage sérieusement sur la voie de la conformité. Dans les faits, une trajectoire crédible vaut souvent mieux qu’une conformité parfaite sur le papier.

Former, tester et améliorer pour ancrer la culture cyber dans l’entreprise

La mise en conformité ne s’arrête pas à la documentation. Elle doit vivre au quotidien à travers la formation et la mise en pratique. Les exercices de crise, les tests de restauration et les campagnes de sensibilisation permettent de transformer les politiques écrites en réflexes concrets. Chaque collaborateur, du dirigeant à l’utilisateur final, doit comprendre son rôle dans la protection de l’entreprise. Les nouvelles réglementations, notamment celles liées à l’intelligence artificielle, renforcent d’ailleurs cette obligation de formation. Une organisation bien préparée n’élimine pas le risque, mais elle en réduit considérablement l’impact. C’est là que la conformité prend tout son sens, non pas comme une contrainte, mais comme une discipline collective.

NIS2 sur le terrain, trois regards pour comprendre la transformation

Pour les directions informatiques, la prise de conscience est désormais totale. Le risque n’est plus théorique et peut stopper net l’activité d’une entreprise. Beaucoup de DSI ont entamé la refonte de leurs systèmes, souvent guidés par des principes simples mais essentiels. Documenter les politiques de sécurité, auditer les procédures existantes et sensibiliser les équipes deviennent les premiers gestes de maturité. Cette démarche pragmatique, appuyée sur des outils mis à disposition par l’ANSSI, permet d’engager un plan d’action sur un à trois ans. L’objectif est clair : reprendre la maîtrise des systèmes d’information, avoir une vision complète des flux et savoir réagir immédiatement en cas d’incident.

Le regard des experts cyber : entre pénurie de compétences et pragmatisme opérationnel

Du côté des spécialistes de la cybersécurité, le constat est partagé. Les entreprises manquent encore cruellement de compétences internes et peinent à recruter des profils qualifiés. Plutôt que de tout externaliser, les experts recommandent une approche hybride. Les activités les plus critiques, comme la supervision 24 heures sur 24, peuvent être confiées à des prestataires spécialisés, tandis que la gouvernance, la documentation et la gestion de projet peuvent être assurées en interne. La formation joue ici un rôle clé. En développant des référents sécurité au sein même des équipes, les entreprises gagnent en autonomie et en compréhension du risque. Cette montée en compétence est souvent la meilleure garantie d’une cybersécurité durable et maîtrisée.

Le regard juridique : anticiper les obligations et sécuriser les responsabilités

Pour les juristes, l’enjeu principal réside dans la préparation. Les contrats doivent être revus avec précision afin d’intégrer la réalité des nouvelles obligations. Il ne s’agit pas seulement de définir la responsabilité ou les plafonds d’indemnisation, mais aussi de clarifier la gestion d’un incident, les délais de notification et la chaîne d’alerte. La conformité documentaire joue ici un rôle décisif. Un dossier complet, mis à jour et testé, devient une preuve de diligence en cas de litige ou de contrôle. Les experts rappellent que la responsabilité du dirigeant reste entière, notamment sur les sujets liés à la protection des données. Anticiper ces aspects permet d’éviter qu’une crise technique ne se transforme en crise juridique.

 

Se préparer à NIS2, c’est bien plus que cocher des cases de conformité. C’est instaurer une culture de la résilience partagée, où chaque collaborateur devient acteur de la sécurité collective. La directive rappelle qu’une crise se gère d’abord par la préparation, la coordination et la clarté des responsabilités. En s’appuyant sur la formation, la documentation et l’amélioration continue, les organisations transforment la contrainte réglementaire en méthode de pilotage. C’est ainsi qu’elles renforcent leur agilité face aux crises, leur crédibilité auprès des partenaires et leur valeur sur le long terme. La conformité devient alors synonyme de maîtrise et de confiance.


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